Pour en garder une trace, je note ici le plan de cours du cours-programme en philosophie des sciences que je donne dans le cadre du programme Histoire et Civilisation (Liberal Arts ; 700.B0) au Cégep de Trois-Rivières.

 

– Cours intitulé « La vérité de la science », touchant à la philosophie des sciences, à l’épistémologie et aux rapports entre sciences et culture.

– Blogue pour le cours : https://veritescience.wordpress.com

– Recueil de Notes de cours (140 pages)

 

Les fils conducteurs du cours :

« Il s’agit de chercher à ressaisir le sens au-delà du fait, de tenter de comprendre l’avènement au-delà de l’événement. Dans cette perspective, l’étudiant sera amené à porter un regard critique sur les assises des compréhensions de la vérité de la science, et en retour, à examiner de quelle manière ces compréhensions de la vérité de la science influencent la compréhension que nous avons de nous-mêmes et de notre rapport au monde environnant. »

 

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Repères généraux du contenu du cours

 

1) Notions de base sur la science, ses territoires et ses limites

1-a) Les types de jugements sur la réalité 

– Le jugement de fait

– Le jugement de goût/préférence

– Le jugement de valeur et le jugement d’interprétation

 

1-b) La science et le scientisme

– La confusion entre ce qui est (le fait) et ce qui se doit d’être ou mérite d’être (la valeur).  Le piège du mot «normal» : ne pas confondre «fréquence de récurrence» (fait) et «acceptabilité» (valeur).  Exemple tiré de dérives en sociobiologie.

 

1-c) La science, la dystopie et l’utopie : rêver en noir et blanc ?

– Remarques générales sur l’apparition de la dystopie : pourquoi après avoir voulu rêver le meilleur veut-on rêver le pire ?

– La science et l’imagination du «pire» dans la recherched’une société «idéale» : les dystopies technoscientifiques.  Exemples dans le cinéma de science-fiction (ex. Orange mécanique (1971), Bienvenue à Gattaca (1998), Minority Report (2002), etc.) et en littérature (ex. Nous autres (1920) d’Eugène Zamiatine, Le meilleur des mondes (1932) d’Aldous Huxley, 1984 (1948) de George Orwell, etc.).

– La science et l’imagination du «meilleur» : les utopies technoscientifiques.  Exemples des utopies posthumanistes de «L’Homme nouveau» (décennie 1930 : les arts face aux sciences de la vie, le politique et la montée en Europe des fascismes portés par l’idéologie de l’Homme nouveau) jusqu’aux utopies posthumanistes du «Nouvel Homme nouveau» (époque actuelle ; Cf enquête et ouvrage d’Antoine Robitaille).

 

1-d) La science et la religion 

– Croire et modéliser théoriquement.

– La science et l’agnosticisme.

– Les litiges d’intérêts entre science et religion : exemple de l’Homme de Kennewick.

– La question de la « foi perceptive » et la question du « cerveau dans une cuve ».

– La question d’un « Principe Premier ».

– Les limites des connaissances scientifiques.

– Les problèmes de cohérence dans l’organisation des connaissances scientifiques : pourquoi quelque chose plutôt que rien ? ; comment d’un «rien» peut venir de la matière ? ; comment concilier l’idée d’un «pur chaos» engendrant des «lois de la nature» avec l’idée «d’immuabilité des lois de la nature» ? Etc.

 

1-e) La science et la philosophie

– Éthique

– Théories de la connaissance, philosophie des sciences et épistémologie.

 

1-f) La science et la technologie

– Confusions à éviter entre «sciences pures» et «sciences appliquées», entre science et savoir-faire.

 

2) La «méthode scientifique» est-elle un mythe ?

 

2-a) Est-ce qu’il y a une «méthode scientifique» par-delà ou en deçà des domaines scientifiques ?

                        – Clarification de la question.

 

2-b) Aspects philosophiques de la méthode scientifique

– Conviction que l’on peut comprendre le monde avec notre raison et conviction qu’il existe une réalité indépendante de nous-mêmes et de nos perceptions.

– Clarifications sur le cas des mathématiques et de la logique formelle.  [ Cf  le cours «Mathématica»]

– Considérations à propos de 3 feuillets de réalité se superposant : distinction entre (1) la réalité du fait/événement, (2) la réalité de la perception du fait/événement (possibilité que chaque perception stylise) et (3) la réalité de l’explication du fait/événement.

– Considérations sur la «vérité des faits» et la «vérité des explications».

– Postulat matérialiste en sciences.  (Remarques sur les propriétés émergentes.)

 

2-c) Le réductionnismeen science : ses grandeurs et ses misères

– Explications.

 

2-d) L’analyse causale : gérer une complexité multifactorielle

– Distinction entre «causes nécessaires» et «causes suffisantes»

– Distinction entre «causes immédiates» et «causes lointaines»

– Prédisposition, contrainte et cause active – Permettre, empêcher et causer

 

2-e) La science sans expérience ?

– La place de l’approche expérimentale en sciences

– Le critère de «Réfutabilité» (falsifiability) énoncé par Karl Popper

– La méthode comparative

– Hypothèses, prédictions, postdictions.  Exemple de «l’âge de la terre».

 

2-f) L’esprit critique : 3 outils et 2 règles de conduite de l’esprit critique (pas seulement en science)

Les 3 outils :

– La flèche du fardeau de la preuve

– Le «Rasoir d’Occam» (ou le principe de parcimonie)

– La balance de Carl Sagan

 

Les 2 règles de conduite :

– Se méfier de son propre désir de croire

– S’incliner humblement devant les faits (la validation des faits, avant leurs explications)

 

3) Science, Être humain et culture

3-a) Sciences de la Nature, sciences humaines et sciences sociales : y a-t-il des «sciences dures» et des «sciences molles» ?

– Horizon des débats, des positions et de leurs implications.

 

3-b) Divisions disciplinaires : cloisons mentales ?

– L’Humain : sous le regard attentif autant des sciences de la Nature que des sciences humaines et des sciences sociales, ainsi que des «humanities».

– Exemple dans les «sciences du comportement» : biologie, biochimie et neurobiologie, éthologie et psychologie, phénoménologie et neurophénoménologie, origines du DSM (et débats autour du nouveau DSM-V), etc.

 

3-c) L’Humain : le défi de l’analysant analysé

– Prise en considération des défis et écueils tant du déterminisme que de l’indéterminisme pour la science.

 

3-d) La science : discours sur ce monde et dans ce monde

– Limites naturelles, conditions matérielles et technologiques, conditions sociohistoriques, horizons des «allants de soi» («taken for granded») et imprégnations culturelles.

– Paradigme à décortiquer : analyse du contexte d’émergence de la cybernétique (Cf travaux de la sociologue Céline Lafontaine) et des «sciences cognitives» au 20siècle.

 

3-e) Trois grands types de positions sur les rapports entre les divers domaines des sciences :

 

– Perspective de continuité entre les sciences de la Nature et les sciences humaines et sociales.  Dans cette perspective, deux sous-catégories : une catégorie où l’on considère qu’il n’y a qu’une science, mais avec des domaines complémentaires aux méthodes parfois divergentes (ex. la position de Cyrille Barrette), et une catégorie où l’on considère qu’il n’y a qu’une science, impliquant un «paradigme» dominant  (ex. le paradigme «cybernétique» se prêtant à un ensemble de «sciences cognitives»).

 

– Perspective de discontinuité entre les sciences de la Nature et les sciences humaines et sociales.  Tentatives s’appuyant sur une distinction fondamentale entre «expliquer des causes» et «comprendre des motivations».

 

– Perspective de rupture avec l’idéal d’impartialité/objectivité, débouchant sur des visions sociopolitiques de la valeur des sciences (humaines et sociales), que certains qualifient de «relativismes postmodernes» ou de «subjectivismes politiquement motivés».

 

3-f) Les Cultural Studies et les Cultural Wars

– Origines et justifications des Cultural Studies : aspects théoriques et aspects historiques.  Hybridations et transdisciplinarité.

– Décennie 1960 : Richard Hoggard, fondateur en 1964 du Center for Contemporary Cultural Studies en Grande-Bretagne.

– Décennie 1970 : Développements aux États-Unis avec des apports de la French Théorie.  La réception et l’interprétation étasunienne des thèses de Derrida, Deleuze et Foucault.

– Élargissement et internationalisation. Gender StudiesWomen StudiesPostcolonial StudiesMedia StudiesVisual Studies, etc.

– Une diversité complexe de positions et d’attitudes : comprendre et expliquer, sensibiliser, promouvoir et militer.

– Film : Herbert Marcuse et la «New Left» (un tournant culturel plutôt qu’économique de la «libération»).

 

3-g) Le conflit autour de l’idéal d’impartialité/objectivité en science : à rejeter en tant que mythe ou à maintenir en tant qu’idéal ?  

– Exemple à décortiquer : le pamphlet publié en 1989 par l’American Council of Learned Societies (rédigé par six importants départements en sciences humaines aux États-Unis) vs le pamphlet de réplique publié en 1993 dans Daedalus, intitulé «Rationality and Realism. What is at Stake ?» (rédigé par John R. Searle, Pr. à la University of California, Berkeley).

 

3-h) Science, dérives hyperrelativistes, impostures et canulars

– Un Doctorat en sociologie décerné en 2001 par l’Université Paris V pour un plaidoyer en faveur de l’astrologie : polémique autour de la teneur de la thèse de doctorat de Germaine Teissier (alias l’astrologue Elizabeth Teissier) ; thèse sous la direction du Pr. Michel Maffesoli, reçue avec mention «Très honorable» par un jury universitaire en avril 2001.

– «L’affaire Sokal» : le pseudo article scientifique d’Alan Sokal publié en 1996 dans Social Text (no 46-47, printemps-été 1996 ; revue publiée par la Duke University) et son article publié dans Lingua Franca (mai-juin 1996) pour lever le voile sur son canular.  Le débat autour des «impostures intellectuelles» en sciences humaines et sociales que dénoncent Alan Sokal et Jean Bricmont.

– «L’affaire Bogdanov» : la science théorique comme non-sens spéculatif ?  Suites et débats ; la position de Roman Jackiw (professeur au Center for Theoretical Physicsdu MIT, membre du jury de la thèse de doctorat en physique théorique d’Igor Bogdanov) : la physique théorique moderne ramenée à une esthétique ?

 

3-i) Le pragmatisme est-il une solution ?  

– Pragmatisme technoscientifique ?

– Pragmatisme sociopolitique en sciences humaines et sociales ?

– Retour sur les trois grands types de positions sur les rapports entre les divers domaines des sciences.

 

4) Des *sciences* de la culture sont-elles véritablement possibles ?