Recension de Constituer le Québec de Roméo Bouchard
Note : cet article a d’abord été publié sur PhiloTR
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«Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance
pour indiquer leur maitre, et y rentrent. Il y a de nos jours, beaucoup
de gens qui s’accommodent très aisément de cette espèce de compromis
entre le despotisme administratif et la souveraineté du peuple.»
– Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1840
Écrit avec une limpidité exemplaire, Constituer le Québec de Roméo Bouchard peut être considéré comme un essai de philosophie politique appliquée à la démocratie. Paru le 22 mai 2014 dans la collection «Documents» d’Atelier 10, une réalisation de l’équipe du magazine Nouveau Projet, ce livre de 111 pages (qui fait déjà partie du palmarès Gaspard-Le Devoir des essais québécois les plus vendus) peut être considéré comme un mélange de deux versants.
D’abord, même si cette collection en est une de «courts essais […] écrits à chaud, dans l’urgence de dire les choses», on sent bien que l’auteur a longuement réfléchi à ces questions au cours de ses nombreux engagements et de son parcours aux multiples facettes. Et en cela, il y a un versant de ce livre qui peut être considéré comme un document de vulgarisation de plusieurs pistes du politique. Ainsi, une personne familière avec les sciences politiques ne sera pas dépaysée en entendant parler par exemple des idées du professeur français Étienne Chouard – et au Québec celles des Sans parti – à propos du tirage au sort pour la formation d’une assemblée constituante (comme le Vénézuéla (1999), l’Équateur (2007) et la Bolivie (2008) en fournissent des exemples). Ou encore de la démocratie sans parti politique, ce qui peut parfois surprendre, mais qui est déjà en place dans certaines instances territoriales comme les MRC, les Conférences régionales des élus et bien des municipalités (sauf les grandes villes), et ce, où il «n’en résulte pourtant pas de chaos ni de paralysie» (p. 46).
Mais s’il y a un versant que l’on peut considérer comme un document de vulgarisation d’idées qui ne sont certes pas inconnus des gens qui s’intéressent au politique, il y a aussi un autre versant qui en fait un véritable essai. Car les diverses idées au sein desquelles il puise sont tout de même orientées en fonction d’une thèse – ou disons plutôt, d’un idéal que tente de promouvoir l’auteur. Et d’ailleurs, c’est ce qu’indique bien le sous-titre de ce livre : Pistes de solution pour une véritable démocratie.
Cet idéal, c’est une refonte de la démocratie elle-même. Suivant ce fil conducteur, on peut identifier en quelque sorte trois moments à cet essai : (1) une identification des causes structurelles du déficit démocratique dont les amendements cosmétiques ne changeraient pas grand-chose ; (2) pour ne pas rester dans l’utopie, cinq pistes de solutions argumentées et illustrées d’expériences et de contre-exemples historiques ; et (3), afin de permettre un passage à l’action, le développement sur les possibilités et modalités de mise en œuvre d’une assemblée constituante du Québec (mais idéalement, à bien d’autres places dans le monde aussi).
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