Les cinq ans du magazine Nouveau Projet (NP11)
[Note : cet article a d’abord été publié sur PhiloTR.]
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5 ans d’existence
Avec son 11e numéro du printemps-été 2017, le magazine Nouveau Projet marque ses 5 ans d’existence. Cofondé en 2011 par Nicolas Langelier et le professeur de philosophie Jocelyn Maclure (qui s’est retiré en 2014 de l’entreprise) en même temps qu’Atelier 10, l’entreprise sociale éditant le magazine, Nouveau Projet fut le tout premier magazine québécois à avoir pu être lancé de manière indépendante en utilisant le site de sociofinancement Kickstarter. Ainsi, grâce à ses mécènes-fondateurs, dont certains œuvrent en philosophie, en mars 2012 paraissait le premier numéro (de 162 pages) de ce magazine qui a pour vocation de publier des textes soignés destinés à une lecture lente, pouvant être relus plusieurs mois voire des années plus tard sans avoir perdu de leur pertinence – donc en n’étant pas collés sur une actualité éphémère, mais en tentant plutôt de mieux comprendre notre temps et les enjeux de notre époque.
Publié deux fois l’an en faisant cohabiter en un même lieu philosophie, journalisme et « reportages littéraires » à la Hemingway, bédéreportages, histoire des mouvements sociaux, poésie et littérature, commentaires et essais, tant sous l’angle du personnel que du collectif, le magazine Nouveau Projet s’est notamment mérité en 2015 le prix du « Magazine de l’année au Canada » décerné au 38e Prix du magazine canadien – devenant ainsi le premier magazine francophone à décrocher ce prix. En cinq ans d’existence, le magazine s’est aussi allié de nombreux collaborateurs et a su passer au travers de tempêtes, dont le manque à gagner de 60 000$ pour le magazine en 2014, directement engendré par la décision de son distributeur de l’époque (Messagerie de presse Benjamin) de se placer sous la Loi de la faillite sans alors être capable de remettre au magazine le montant dû pour les ventes en kiosques et librairies depuis 2013 – une tempête surmontée grâce à l’appui de sa communauté de lecteurs et de donateurs. Mais sur le fond et par-dessus tout, en relisant l’Intro que signait Nicolas Langelier dans le numéro fondateur, on peut constater que Nouveau Projet a su se développer en restant fidèle à ses idéaux initiaux et à certaines notions pouvant sembler désuètes à notre époque, dont le « sens du devoir » et la recherche d’éclairages pour une vie individuelle et collective « spirituellement » plus riche.
Pour souligner ses cinq ans, le 11e numéro de Nouveau Projet affiche en couverture une photo de Sophie Desmarais, qui illustrait le 1er numéro du magazine. Et surtout, ce 11e numéro a pour thème de son dossier central le verbe « croire ». Un bon clin d’œil, car il fallait en effet croire pour faire paraître en 2012 un nouveau magazine papier, à une époque de chamboulements numériques où il était la plupart du temps question de crise(s) pour les publications imprimées, tout en aspirant à être l’un des magazines québécois rémunérant le mieux ses auteurs. Croire que le papier demeure un support plus approprié pour la réflexion et la lecture lente. Croire, pour oser un magazine papier de qualité, relativement niché, à la belle facture qui coûte 100 000$ par numéro à produire selon Nicolas Langelier. Et par-dessus tout croire, en soi, en sa génération, en sa société, pour oser dans cette décennie des années 2010 avoir « l’ambition de faire avancer la société avec des idées nouvelles, de proposer une tribune pour réfléchir et échanger, un peu comme le faisait Cité libre dans les années 1950-1960 » (source de la citation).
Évidemment, les kiosques et points de vente de magazines s’atrophiant au Québec, le meilleur moyen de ne pas manquer un numéro de Nouveau Projet reste encore l’abonnement, qui donne aussi droit à Documents, une collection de courts essais qui sont aussi publiés deux fois l’an par Atelier 10.
Le 11e numéro (Printemps-été 2017)
En introduction à ce 11e numéro de Nouveau Projet, Nicolas Langelier signe un très beau texte, plutôt touchant, intitulé « La possibilité de fonctionner » où l’on sent bien s’entremêler le « je » et le « nous ». Un texte où il médite notamment sur le fait qu’à notre époque « les convictions sont suspectes » (p. 19) et qu’en même temps « une société où les gens ne croient plus en la possibilité de changer les choses est une société où les choses ne changent plus » (p. 20) ou une société (nous) qui s’abandonne aux lobbys pour ensuite conforter sa répulsion envers ceux qui croient en agissant ainsi. Et ce, tout en commençant par tenter de prendre le pouls de cette idée de F. Scott Fitzgerald, selon lequel la marque d’une « intelligence de premier plan » est de pouvoir fonctionner tout en étant « capable de se fixer sur deux idées contradictoires. » (p. 17).
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