In memoriam
Mariette Leclerc Létourneau
(Dimanche 3 décembre 1944 – Lundi 17 janvier 2011)

Ma mère se méfiait des hommages que l’on rend en de telles circonstances. Je me souviens de tant de fois où elle disait : «c’est drôle comme tout le monde devient plus beau et «plus fin» une fois mort.»

 

Elle n’aimait pas les faux-semblants.

 

Elle se méfiait des hommages que l’on rend en de telles circonstances, mais elle était sensible aux traces que nous laissons, elle s’intéressait aux sillons que chacun de nous creusons doucement. Elle conservait le brouillon de toutes les lettres qu’elle envoyait, tout comme elle conservait toutes celles qu’elle recevait. Aussi, il valait mieux être conscient que ce que l’on disait nous suivrait, mais en même temps, nous étions assurés d’une oreille réellement attentive qui ne serait jamais indifférente.

Elle était là. Elle connaissait «par cœur» toutes les dates importantes jalonnant la vie de parents et ami(e)s.

 

Pour elle, s’intéresser à une personne c’était aussi s’intéresser au foisonnement des gens faisant partie de son univers. Elle était sensible aux relations, aux liens. Il n’était donc pas rare qu’elle s’informe d’une personne qu’elle n’avait jamais rencontrée, si celle-ci faisait partie du réseau d’une personne qu’elle aimait.

 

Pas étonnant que «Famille» et «Amitié» aient été des valeurs aussi importantes à ses yeux. Pas étonnant non plus qu’avec l’exigence qu’elle prêtait à de tels idéaux, elle en ait été parfois blessée, déçue. Nous devons bien accepter de reconnaître nos parts d’ombre.

 

Malgré le mélange de tristesse et de sentiment d’irréalité qui suit l’annonce d’un cancer sans possibilité de rémission, il reste que c’est un réconfort de penser aux moments qui ont suivi cette annonce du 28 mai 2010. Penser à la force que ça lui procurait, que nous soyons tous là, la famille immédiate, à débarquer «en troupe» avec elle à chacun de ses rendez-vous. Penser à ce que vos appels et visites régulières à la maison lui faisaient. Penser à ce pourquoi elle ajoutait dorénavant très tendrement un «mon», devant certains prénoms. Penser à certaines de ses amitiés renouées. Penser aux moments vécus pleinement.

 

On entend parfois parler de «lutte contre le cancer». C’est une expression pour des statistiques, ça. Ce qui a donné de l’énergie à ma mère, c’est qu’on s’est aligné avec elle ; ma mère, votre sœur, votre amie, votre voisine, votre cousine, votre tante, votre très chère… C’est les liaisons, c’est l’attachement. Et c’est justement ça, qui lui a importé toute sa vie, les relations, les liens.

 

Il est bien possible que la richesse des relations que vous avez incarnée pour elle ne soit justement pas étrangère à la sérénité avec laquelle elle a pu vivre les huit derniers mois de sa vie.

 

Merci pour ce que vous lui avez apporté.

 

Lorsqu’on était enfant ma sœur et moi, en particulier lorsqu’on a commencé l’école primaire, notre mère nous disait souvent qu’elle aurait aimé être un petit oiseau, perché sur le rebord de la fenêtre, pour nous voir aller.

 

Dorénavant, c’est ainsi qu’il nous faudra imaginer sa présence silencieuse.

Patrice