Résumé de ma conférence intitulée « Jacques Lavigne : premier philosophe moderne du Québec et apologiste chrétien », présentée dans le cadre du Convivium Axiome 2019 sur le thème de La relation entre la Théologie et la Philosophie, à Nicolet, le samedi 28 septembre 2019.

(Aussi en fichier .pdf : patriceletourneau.org/wp-content/uploads/2019/09/Résumé-Conférence-sur-Jacques-Lavigne.pdf)


Résumé / Abstract

Jacques Lavigne : premier philosophe moderne du Québec et apologiste chrétien

(Convivium Axiome 2019 : « La relation entre la Philosophie et la Théologie »)

(Patrice Létourneau)

 

Jacques Lavigne est considéré par plusieurs (Marc Chabot, Georges Leroux, Jean Larose, etc.)[1] comme le premier philosophe de la modernité au Québec – en même temps qu’à notre époque, il demeure peu connu et peu étudié au Québec. Sa première (et principale) œuvre intitulée L’Inquiétude humaine, publiée en 1953 aux Éditions Aubier-Montaigne (à Paris) dans la collection « Philosophie de l’esprit », fut accueillie lors de sa parution comme une œuvre authentiquement originale, tel que l’attestent les diverses critiques rassemblées par Jacques Beaudry dans Autour de Jacques Lavigne, philosophe[2]. L’œuvre de Jacques Lavigne sur L’Inquiétude humaine contient non seulement une philosophie de l’être humain, mais aussi une philosophie du langage, une philosophie des arts, une philosophie des sciences et une philosophie de la société (et de l’histoire), prenant en considération divers horizons philosophiques[3], ainsi que diverses considérations provenant des sciences modernes. Mais surtout, tout y concourt à montrer que « L’inquiétude apparaît en l’homme au seuil de sa maturité. [Et qu’]Elle est comme la condition de son avènement spirituel. »[4] Ce qui conduit à un chapitre final sur « La vie spirituelle » dévoilant l’ensemble de ce livre comme une substantielle apologétique chrétienne se concluant avec la citation de Jean 1.12 (référant en fait, en note de bas de page, à l’ensemble du passage en Jean 1.1-14). Dans cette présentation, nous aborderons les liens quasi organiques que Jacques Lavigne entretient ainsi entre philosophie et théologie chrétienne au cœur de cette œuvre sur L’Inquiétude humaine.


Structure de la présentation

(Notes de présentation)

1) Général :

          • – Reconnu 1er philosophe de la « modernité » au Québec par Marc Chabot, Jean Larose, Georges Leroux, etc.
          • – En même temps, peu connu et parcours difficile : commence à donner des charges de cours à l’UdeM à partir de 1945, dirige Hubert Aquin diplômé en 1951, publie en 1953 (chez Aubier-Montaigne, à Paris) et la même année devient professeur titulaire à l’UdeM, en 1959 doit quitter son poste à l’UdeM et devient titulaire et coordonnateur au Collège Brébeuf qu’il doit quitter en 1961 ; 4 années de chômage forcé où il élève des poules et des lapins et cultive des fraises et du maïs à l’Ile Perrot (selon son fils, il « était barré de tous les collèges de Montréal, sans qu’il sache pourquoi et sans qu’il ait de réponses à ses lettres ») ; puis il obtient un poste en 1965 au Collège de Valleyfield.
          • – Publication en 1953 de L’Inquiétude humaine aux Éditions Aubier-Montaigne à Paris (230 pages). L’ouvrage est immédiatement (et largement) souligné comme une œuvre authentiquement originale. Ce n’est pas un « système » (comme chez Kant, par exemple), mais c’est une œuvre englobante qui touche à la conception de l’être humain, au langage, aux sciences, aux arts, à la politique et la philosophie de l’histoire – et qui tient compte des divers autres domaines de savoir (notamment la psychologie avec Piaget).
          • – L’inquiétude humaine se termine avec un chapitre sur la vie spirituelle – et se conclut avec la référence à Jean 1.1-14. Rétrospectivement, cette conclusion permet de voir son œuvre autrement – comme apologétique existentielle.

 

2) L’inquiétude humaine comme condition de l’avènement spirituel

          • – L’inquiétude humaine apparait comme condition de possibilité de reconnaissance de notre identité la plus profonde (fait en image de Dieu), précisément parce qu’elle fait ressortir notre inachèvement (inachèvement en nous-mêmes et par nous-mêmes).

 

            • – Citation de Lavigne :

« […] notre vie, s’accomplissant dans le temps, engendre continuellement un passé et un avenir : le passé qui est une perte et l’avenir, un manque.  Ce double sentiment d’absence fait naître l’inquiétude.  Cette inquiétude n’est ni un principe, ni une fin, mais une étape de notre devenir.  Nous sommes d’abord dans le temps comme n’y étant pas encore.  Les enfants acquièrent un passé sans se soucier de ce qu’ils perdent et vont vers un avenir sans le désirer.  S’ils passent facilement d’une chose à l’autre, ils vivent chaque instant comme s’il était seul.  L’enfance ne connaît pas l’inquiétude.  Toute son attention est à faire l’homme qui la portera.  Mais peu à peu une impression de solitude s’empare de nous.  Tout ce que nous avons possédé est disparu aussitôt qu’obtenu.  Tout n’a fait que passer.  Tout n’est vécu qu’une seule fois.  Et notre désir nous porte toujours au delà de ce que nous sommes.  Nous vivons d’une absence que notre action même travaille à former.

 

Lorsque l’homme connaît l’inquiétude, sa vie est déjà commencée.  Et cependant elle est pour lui comme un point de départ : celui de sa vie spirituelle autonome.  Le monde nous envahit par notre organisme, nos sens, nos passions et nos pensées.  Il semble que ce soit lui qui nous fasse naître et grandir et qu’il nous suffira de lui obéir, de le subir pour connaître la paix.  Notre destin paraît se confondre avec celui des choses.  Mais en assimilant son milieu l’homme se forme et prépare, sans s’en rendre compte, l’avènement de son autonomie.  Et soudain il découvre sa liberté : il est maître de lui.  Mais le monde est enraciné en lui et lui résiste en le dispersant.  L’homme est libre, mais sa vie n’est pas à lui, n’est pas de lui.  Et cependant il lui faut faire sienne cette vie même qu’il subit.  Car nul n’agit sans se donner une fin qui l’engage tout entier. C’est la conscience d’une telle situation qui provoque l’inquiétude.

[…]

L’inquiétude apparaît en l’homme au seuil de sa maturité.  Elle est comme la condition de son avènement spirituel.  C’est le moment où l’homme cesse d’être agi pour agir ; où il s’arrache au déterminisme des choses pour accepter la responsabilité de sa vie.  C’est aussi le moment où, découvrant le temps, l’homme est mis en face de son insuffisance.  Sortir du présent pour reconnaître le temps c’est sans doute quitter l’inconscience, c’est aussi apercevoir notre misère.  Bienheureuse misère qui nous enseigne à ne pas nous satisfaire de la terre ! »[5]

 

3) Fuite et évitement de l’inquiétude humaine

        • – Cela dit, l’inquiétude ne conduit pas toujours à discerner notre identité profonde (en image de Dieu, incomplet sans Lui). On peut refuser ou fuir cette inquiétude d’au moins trois manières :
            • – Fuite dans le divertissement (analysé par Pascal en considérant « la misère de l’homme sans Dieu »). Il s’agit d’occuper le loisir pour ne pas être en repos. Les horaires surchargés peuvent entrer dans une catégorie similaire.
            • – Le « on », analysé par Heidegger. On se fond dans l’informe, on s’abandonne à tout le monde, c’est-à-dire à personne. C’est l’attitude dans les « lieux communs », on parle sans penser et sans ressentir. « On meurt tous un jour », formule facile pour vite passer à autre chose sans penser à notre propre mort ; pour se rassurer de la mort d’un jeune « On dit que c’est les meilleurs qui partent en premier » (est-ce à dire que les centenaires sont des êtres exécrables ?) ; « On n’apporte pas sa fortune dans sa tombe », oui, mais on continue à poursuivre la richesse comme s’il n’y avait rien d’autre ; etc.
            • – Ce que Lavigne nomme la « société des parasites de l’esprit », celle qui « est curieuse, non comme un savant, mais comme celui qui a peur de ne pas être au courant ». C’est le phénomène du FOMO – Fear of missing out, la peur de manquer quelque chose. Elle cherche un écran à la vie ordinaire, et non une lumière pour celle-ci. « C’est une société raffinée, polie, mais pour rien. » L’agitation remplace l’inquiétude : « il n’y a pas de sentiment d’insuffisance, mais aussi il n’y a pas d’homme ». La philosophie n’est pas à l’abri de ce piège, lorsqu’elle s’enferme dans un système de réponses faisant oublier les questionnements vitaux.

 

4) Arrière-plan avant de continuer : Formation de la vie consciente

        • – Cette mise en perspective avant de continuer sur le sujet de l’inquiétude humaine marque deux points chez Lavigne : (a) le sentiment d’inquiétude n’est pas à rejeter comme simple sentiment, puisque l’affectivité sera au cœur de la constitution de la vie consciente (et la Vérité liée à l’Amour) ; et (b) l’apparition du langage dans la vie de la conscience est lui-même tissé d’une aspiration vers Dieu.
        • – D’entrée de jeu, Lavigne récuse les oppositions de substance entre corps et esprit, tel qu’on les retrouve chez Descartes – oppositions qui ne font ensuite que poser le mystère de leur jonction dans l’existence concrète.
        • – Pour Lavigne, tant les conceptions idéalistes que matérialistes « font l’unité de l’homme mais en le privant de son aliment : la réalité extérieure. » En imbriquant organiquement corps et esprit, Lavigne rejoint le christianisme, où Dieu a décrété bon son incarnation dans la chair (Jésus ressuscite corporellement, pas simplement en « âme » ou « esprit »).
            • – Citations :

« Lorsque la pensée est née, il nous importe apparemment peu de savoir comment elle est sortie de la sensation.  Mais l’histoire nous enseigne que la pensée qui méconnaît ses racines finit par rendre inexplicable la situation de l’homme en ce monde : le corps et les réalités sensibles n’ont plus de raison d’être, et la pensée n’atteint que des idées.  En passant sous silence la genèse de la vie consciente, c’est toute l’histoire ultérieure de l’homme que l’on prive de sens.  On obtient un homme qui mène de front deux vies différentes, étrangères l’une à l’autre : la vie du corps et celle de l’âme. »[6]

Or,

« À la vérité, il n’y a de réel que pour un homme dont les idées sont senties et dont les sensations sont comprises.  C’est pourquoi il est de toute première importance d’assister à la naissance de la pensée dans notre corps. »[7]

        • – Dès la naissance, derrière la sensation il y a les manques de l’organisme qui font appel au monde extérieur pour que le besoin s’apaise avec sa satisfaction. Le premier rapport aux choses ne s’exprime donc pas dans un mode de connaissance, mais dans un désir (l’interprétation viendra ensuite) – et les toutes premières adaptations au milieu et les premiers apprentissages des usages (le bébé qui prend son boire plus rapidement, par exemple), ne se font pas nécessairement consciemment.
        • – L’affectivité va ensuite jouer un rôle déterminant dans la conscience que nous pouvons avoir de nous-mêmes. (Les sensations nous donnent une possession de nous-mêmes ; l’affectivité permet de nous en donner une conscience – et de faire en sorte que le déroulement prend sens).
        • – L’affectivité fait que pour nous tout n’est pas indifférent, que notre vie a pour nous son histoire, ses inachèvements, ses attentes, ses désirs, etc.
        • – Mais comme la réalité a ses propres lois, et que nos attentes ne sont pas toujours comblées, il reste le passage à « l’initiative créatrice de l’intelligence ».
        • – Ainsi, dès cette origine et pour la suite de notre vie consciente, relève Jacques Lavigne, il s’avèrera que :

« Toute pensée qui n’est pas réveillée par une émotion, soutenue par un amour, achevée dans la joie dégénère en abstraction, toujours indifférente, toujours oubliée, morte.  C’est par notre chair que nous sommes un être singulier, incommunicable.  Aussi, c’est par notre sensibilité que la pensée universelle nous devient personnelle.  Par elle, le passé devient fidélité, l’avenir, un idéal : présence d’un élan qui se déploie dans la durée et qu’il nous faut réengendrer toujours, présence d’une absence à combler en nous transformant sans cesse. »[8]

        • – Dans cette dynamique organique, si l’être humain restait qu’au niveau de la sensibilité, il ne pourrait pas vraiment comprendre ce qu’il vit. Tout comme pour comprendre notre passé, il ne suffit pas d’inventorier toutes les minutes de notre vie ou les fragments de nos sensations, sans faire un tri pour en dégager un récit, un sens.  Cependant, parce que la réalité peut irriter tout autant nos sens que notre affectivité, nous faisons dès le départ l’expérience qu’il y a en nous des réalités (sensations, émotions, etc.) qui ne sont pas que de nous (ce qui vient irriter), qui ne sont pas à strictement parler engendrées par nous – bien qu’en nous.  Ainsi, selon Jacques Lavigne :

« Nous sommes ainsi faits que nous ne pouvons avoir conscience de nous-mêmes qu’en prenant conscience d’un autre que nous.  Nous ne pouvons avoir conscience de notre présence à nous-mêmes qu’en prenant conscience de la présence qui subsiste en nous d’un autre qui n’est pas nous.  Et cela parce que nous ne nous suffisons pas.  Nous connaître c’est découvrir que nous n’avons pas assez de nous-mêmes pour être nous-mêmes.  C’est en inventant le moyen d’atteindre l’extérieur que nous nous saisissons.  Savoir que nous sommes sans nous ouvrir, du même coup, à l’extérieur, ce serait apprendre notre condamnation.  C’est pourquoi le développement de notre intelligence est intimement lié à celui de nos besoins. »[9]

        • – Le développement du langage – et la possibilité d’un incessant travail sur soi-même.
        • – Un travail du langage qui n’est pas à couper de la vie organique. Une fois adulte on peut le perdre de vue, mais pour Lavigne le langage et le rapport de la corporéité affective au monde demeurent intimement liés à leur source.  Le jeune enfant ne fait pas vraiment ces distinctions, et c’est ce pour quoi il lui parait naturel de mettre partout dans le monde extérieur ce qui est de lui en attribuant ses mots : il fait parler les chats, des robots ou des poupées, prête ses intentions aux choses et aux animaux, dicte son point de vue sans qu’il n’y ait là arrogance, planifie ses jeux de rôles selon ses volontés, etc.  Et s’il progresse au travers de certaines résistances, ce n’est pas sans un certain agacement.  L’adulte, bien souvent, croit à l’inverse décrire que la réalité extérieure, il croit qu’il peut l’inventorier sans y interférer, sans y toucher de sa vision, en oubliant alors pourquoi son affectivité investit tel ou tel aspect de la réalité en en faisant un prisme. Il y dépose alors des valeurs, des principes, des idéaux, des buts.
        • – Trois facteurs tissant le langage (selon Lavigne) : « initiative du moi, domination du monde, aspiration vers Dieu »*.
            • *Note à propos du facteur « aspiration vers Dieu » du langage : (a) à tout le moins, par l’introduction dans le monde d’idéaux et de valeurs qui n’y sont pas matériellement ; (b) mais encore plus fortement, parce que le langage soulève lui-même la question du sens. Même la personne qui adhère au postmodernisme philosophique ne cesse pas d’introduire par son langage des idéaux qu’elle prétend être bons – mais comment un idéal ou un jugement de valeur peuvent-ils être véritablement (ou « objectivement ») bons, justes, adéquats ou exacts s’ils s’appuient que sur la subjectivité ou que sur la perspective majoritaire (ou minoritaire) du moment ? Par exemple, si ça ne relève que de la subjectivité, une même description factuelle des services rendus par une personne pourra autant être interprétée par les uns comme un comportement généreux, qu’interprétée par les autres comme un comportement où la personne « se laisse manger la laine sur le dos » plutôt que mettre des limites plus strictes en pensant d’abord à elle. En d’autres termes, sans aspiration à « l’objectivité » du langage, une même série de faits pourrait être dite véritablement une bonne chose et véritablement une mauvaise chose. Ce qui, à tout le moins, soulève la question du sens – et la question de savoir si le langage a alors encore du sens. Remplacer dans cet exemple la subjectivité par l’intersubjectivité ne règle pas l’écueil : on ne fait qu’ajouter une dimension historique qui reviendrait à dire qu’une mauvaise action faite dans le passé est une bonne action puisqu’à l’époque on considérait cela acceptable (et vice versa) – mais quel est alors le véritable sens de cette action ? Ou est-ce que l’on voudra dire que cette action n’a pas de véritable sens ? Et si tel est le cas, est-ce qu’au fond ça ne reviendrait pas à dire que le langage n’a lui-même pas de sens ? Le langage, relève Lavigne, aspire pourtant à être fondé en vérité ; il aspire à dire, et non pas simplement à babiller. Et ce n’est pas l’être humain qui peut « fonder » (en justesse) le sens, d’où l’aspiration vers Dieu dont le langage est lui-même tissé.
        • – Se penser « soi-même comme un autre » : s’il est vrai que pour « penser en soi-même il faut se parler soi-même »[10], cela nécessite un travail avec les signes et les mots. En cherchant à véritablement développer notre pensée, on cherche ses mots, on rature, on reformule, on introduit des variations. Mais tout cela ne se fait pas de manière décontextualisée – et c’est pourquoi l’interprétation que nous en avons n’est jamais fermée.
        • – Contingences et universalité à Amour et Vérité. Citation :

« lorsqu’une pensée est constituée, qu’un système est construit, on s’imagine qu’il a été détaché comme un bloc d’un lieu situé quelque part entre la conscience individuelle et l’univers des choses.  Ce n’est qu’une illusion.  Et, comme toute illusion, une tentation à laquelle on succombe facilement.  Il n’y a de vérité vivante que celle qui vient se coller à mon être et à mes émotions.  Il n’y a de vérité pour moi que celle que j’ai engendrée un jour dans mon cœur.  Il n’y a de vérité en soi, en même temps que vivante et agissante, que celle qu’un homme, un jour, dans l’histoire, a tirée de son amour. »[11]

 

        • – Comment comprendre ici le lien entre amour et vérité ?

– Divers niveaux :

              • – Aimer ce que l’on fait pour persister.
              • – Ce qu’on aime (affectivité) module notre attention et le dégagement de sens.
              • – Cependant, ici apparait un lien entre amour et vérité. Pourtant, nos goûts ne sont pas nécessairement vérité – ni notre attention nécessairement la bonne. Ici, on sort du perspectivisme si on considère que Lavigne renvoit plus globalement à un Amour de Dieu et un Amour pour Dieu, en tant que fondement de la Vérité.

 

4) Retour à la question de l’inquiétude humaine.

– Faisant face à l’inquiétude : prise de conscience de notre inachèvement, et les tentatives de dépasser notre inachèvement :

      • – La science. Ça transcende notre propre personne, mais…
              • – Certes, accroissement : liberté (libère de certaines tâches) et connaissance (libère de préjugés et de mystères qui n’en étaient pas).
              • – Mais ne peut pas englober la totalité de la réalité (sinon, ce n’est pas de la science, mais du scientisme). Ne peut pas fonder le sens ni les valeurs.

 

      • – L’art. Ça transcende notre propre personne, mais…
              • – N’achève pas la science avec un autre versant.
              • – Ne livre pas une valeur suprême, mais nous presse davantage à en découvrir une.

 

      • – Le politique. Ça transcende notre propre personne, mais…
              • – Tensions perpétuelles entre le collectif et l’individu ; tensions liberté et égalité, privé/public, etc.
              • – L’histoire n’est pas faite que de ce que nous voulons ou visons.
              • – Si le politique se prétendait un absolu, donc il n’y aurait rien au-dessus, donc serait sans Dieu. Or, dans un tel cas même le « bien commun » est défini par l’autorité ou les rapports de force en place ; même le « bien commun » se révèle alors un jeu de pouvoir (sans véritable fondement).
              • – Lieu de tensions entre diverses visions du monde.
              • – La société est un devenir inachevé, se prêtant à des interprétations multiples.
      • – Science, art et politique (ni même combinés) ne permettent donc pas de faire taire l’inquiétude humaine – l’être humain, même en cherchant à s’y dépasser, y reste inachevé.

 

5) Chapitre final de Lavigne sur « La vie spirituelle »

          • – Inquiétude humaine à Ecclésiaste 3.11:

« Dieu fait toute chose belle en son temps. Il a implanté au tréfonds de l’être humain le sens de l’éternité, sans toutefois que l’homme puisse appréhender l’œuvre que Dieu accomplit du commencement à la fin. » (Ecclésiaste 3.11)

            • – Clé pour saisir des éléments de ce qui précède.
            • – Il y assume sa position de chrétien.
            • – Souligne qu’un athée peut être conduit aux mêmes questions et considérations, mais qu’alors il choisit en tant qu’athée de préférer le néant (de réponses).
            • – Chapitre se conclut avec la citation du verset en Jean 1.12 (mais la note de bas de page fait référence à tout le passage de Jean 1.1-14) :

« Mais à ceux qui l’ont reçu, Il leur a donné de devenir enfants de Dieu. » (libellé tel que cité par Lavigne)

Traduction Semeur :

« (12) Certains pourtant l’ont accueilli ; ils ont cru en lui. À tous ceux-là, il a accordé le privilège de devenir enfant de Dieu. (13) Ce n’est pas par une naissance naturelle, ni sous l’impulsion d’un désir, ou encore par la volonté d’un homme, qu’ils le sont devenus ; mais c’est de Dieu qu’ils sont nés. »

 

6) Réflexions de conclusion

      • – Rapport philosophie et théologie.
      • – Apologétique et/ou philosophie chrétienne ?
      • – Son chapitre final est une clé pour bien saisir la portée apologétique des éléments qui précèdent, mais en même temps si on n’est pas prêt à prendre cette « clé interprétative » on passe à côté de ce qui pourrait nous y inciter.

NOTES :

[1] Voir notamment la bibliographie des textes (de 1939 à 2009) sur Jacques Lavigne, compilés par Alain Martineau sur le site des Classiques des sciences sociales : http://classiques.uqac.ca/contemporains/beaudry_jacques/autour_de_jacques_lavigne/textes_sur_jacques_lavigne.html

 

[2] Jacques Beaudry, Autour de Jacques Lavigne, Trois-Rivières, Éditions du Bien Public, 1985, pages 20 à 22 de l’édition en ligne par Les classiques des sciences sociales :

http://classiques.uqac.ca/contemporains/beaudry_jacques/autour_de_jacques_lavigne/autour_de_jacques_lavigne.pdf

 

[3] Pour en citer que quelques-uns, mentionnons notamment : Aristote, Raymond Aron, Augustin, Gaston Bachelard, Henri Bergson, Léon Brunschvicg, Thomas d’Aquin, Alphonse De Waelhens, John Dewey, Wilhelm Dilthey, Hegel, Martin Heidegger, Blaise Pascal, Platon, Jacques Maritain, Jean-Paul Sartre, Max Scheler et Ludwig Wittgenstein.  Par ailleurs, il est à noter que sur l’ensemble des ouvrages cités dans sa bibliographie, seulement deux sont en latin, alors que vingt-six sont en anglais.

 

[4] Jacques Lavigne, L’Inquiétude humaine, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, 1953, page 29. Numérisation de l’original disponible en ligne à cette adresse : https://philosophie.cegeptr.qc.ca/wp-content/documents/Inquietude_humaine.pdf

 

[5] Jacques Lavigne, L’Inquiétude humaine, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, 1953, pages 27 à 29.

 

[6] Jacques Lavigne, L’Inquiétude humaine, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, 1953, page 52.

 

[7] Jacques Lavigne, L’Inquiétude humaine, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, 1953, page 53.

 

[8] Jacques Lavigne, L’Inquiétude humaine, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, 1953, page 65.

 

[9] Jacques Lavigne, L’Inquiétude humaine, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, 1953, page 75.

 

[10] Jacques Lavigne, L’Inquiétude humaine, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, 1953, page 97.

 

[11] Jacques Lavigne, L’Inquiétude humaine, Paris, Éditions Aubier-Montaigne, 1953, page 84.